En Suisse francophone, tout le monde du rock-yéyé se croyait seul au monde. Tout le monde avait tort. En Suisse alémanique, le rock avait aussi séduit les jeunes artistes débutants. Passée la première mode rockabilly, l’exemple des groupes anglo-saxons évoluant à Hambourg (et ailleurs dans toute l’Allemagne, en fin de reconstruction), donna des idées aux Zurichois.

Dans la cité de la Limmat, Toni Vescoli se prenait pour Elvis. Mais sa route du rock croisa le beat british et surtout les Rolling Stones. Adolescent blondinet, Toni adapta son look à celui de Brian Jones et fonda, avec trois potes de lycée les Sauterelles.

On s’est souvent étonner que ce groupe-phare du rock suisse alémanique ait choisi un nom a consonance francophone. Explication toute simple : les premiers partenaires de Toni Vescoli étaient deux étudiants romands travaillant à l’Université de Zurich. Et même s’ils quittèrent la formation assez vite, le nom "Sauterelles" resta.

Il faut aussi savoir que "Grasshoppers" (Sauterelles en allemand) est un club zurichois de football (et de hockey sur glace) au passé légendaire. Toni a donc décidé de garder les Sauterelles. Dont il fut (et reste encore aujourd’hui) le seul membre a avoir connu toutes les formations.

Car ce groupe progressa en changeant souvent de personnel. A l’origine, ce fut donc Toni Vescoli (chant/guitare) avec Günther Sohr (guitare), Tony Quero (guitare) et François Garzoni (batterie). Très vite, le groupe engagea un bassiste, Otto Ritschard (l’ami de Vera, la sœur de Toni) et donna son premier vrai concert "pro" le 26 novembre 1963. Quatre jours après l’assassinat du président américain John F. Kennedy.

Sans entrer dans les détails, voici la liste des musiciens qui accompagnèrent Toni dans les années soixante : Heinz "Enzo" Ernst (guitare), Otto Brumbacher (basse), Peter Steffen (batterie), Bruno Merz (guitare), Jürg Stocker (guitare) , Freddy Mangili (basse), Düde Dürst (batterie), Rolf Antener (guitare) et Peter Glanzmann (guitare).

Malgré leur look très Rolling Stones, les Sauterelles furent surnommés les "Swiss Beatles". Cet honneur fut mérité. Car le combo zurichois avait une manière de reprendre le répertoire des Fab Four qui leur valut une sérieuse réputation loin à la ronde. Et même jusqu’à Lausanne, où ils se produisirent (et firent très grosse impression) en 1965, dans les locaux des Grands Magasins La Placette.

Mais les Sauterelles vont connaître un succès international grâce à plusieurs enregistrements et la production de quatorze 45 tours single, chez Columbia/EMI, Decca, Ariola et CBS.

On pense notamment à deux titres qui atteignirent le no 1 de certains hit-parades suisses ou allemands, "Hong-Kong" (1965) et "Heavenly Club" (1968). Lorsque la mode passa au hard rock, les Sauterelles abandonnèrent le terrain (1970) mais Toni Vescoli continua à composer de la musique, écrire des textes et se produire sur les scènes rock ou country rock.

Cela dit les Sauterelles (comme les Aiglons en Suisse romande) inspirèrent de nombreux groupes pour les décennies suivantes, certains devenant à leur tour des rockstars connues dans de nombreux pays.

A l’image de plusieurs groupes des sixties, les Sauterelles se sont reformés à l’orée du XXIe siècle. Toni Vescoli, Düde Dürst, Freddy Mangili et Peter Glanzmann se réunissent régulièrement pour donner des concerts très appréciés.