La Suisse romande n’a jamais manqué de fournir à la mode musicale parisienne des artistes de valeur. Avant le rock’n’roll et les yéyés, Jean-Villars Gilles, le légendaire créateur des "Trois Cloches" et de la "Venoge", a été l’un des auteur-compositeur-interprète les plus en vue du music-hall français. Mais il n’a pas été le seul: Pierre Dudan, fils du directeur du Collège Classique Cantonal de Lausanne, connu une carrière prolifique sur les boulevards de la Ville lumière. Et il y en eut bien d’autres, moins connus.

Ébloui par les réussites de ces valeureux prédécesseurs, le Lausannois Jean-Michel Würzburger voulut se hasarder dans les coulisses du show business en France et en Angleterre. Bien lui en prit: il rencontra notamment la célèbre chanteuse et actrice Judy Garland… La star remarqua le talent du jeune suisse et lui prodigua beaucoup de conseils. Peut-être pas autant qu’à sa fille Liza Minelli (sic) mais suffisamment pour donner à Jean-Michel le goût de la scène. Avec son timbre de voix, Würzburger devint Jean Miguel et se lança dans une quête de musiciens. En Suisse, il fréquenta, presqu’un peu par hasard, les milieux hantés par les rockers, fit la connaissance de quelques talentueux arrangeurs. En particulier Léon Francioli, le guitariste soliste des Aiglons dont on connaissait déjà le talent de pianiste - Avec le groupe le plus célèbre groupe de cette Suisse romande, encore à l’écart des grands rendez-vous, Jean Miguel monta un spectacle très classe, sans excès scénique, tout en rondeurs mélodiques. Peu à peu, il changea de musiciens et rencontra Pierre Collet, excellent compositeur, et… Marco Vifian.

Ce dernier lui fit faire ses premiers pas dans les studios, chez Barclay bien sûr, où il enregistra "C’est autant qu’en emporte le vent" (paroles et musique de Pierre Collet), une chanson capable de monter très haut dans les charts et le cœur de midinettes yéyés de l’époque. Une chanson qu’il enregistra aussi en anglais et qui fut publiée, sous le label Atlantic USA, avec des paroles de Mort Shuman et Jimmy Paramore. En face B, le disque, édité en Europe par la maison Barclay, comportait un autre titre, signé Ralf Bernet, Mort Shuman et… Eddie Barclay, "Regardez-moi". Puis le Lausannois enregistra "Douce" (paroles Emile Gardaz, musique Géo Voumard), succès immédiat en Suisse romande. En face B, Barclay, qui aimait beaucoup la voix cristalline de Jean Miguel (un peu concurrente avec celle d’un certain Alain Barrière !), proposa une reprise, "Rags to riches" (Adley/Ross), traduit en français par G. Bérard. Cela donna "Le plus riche du monde", qui fut aussi un succès dans le monde pourtant saturé des yéyés.)

Jean Miguel dépassa largement les sixties. On le retrouva notamment en compétition à la Rose d’Or d’Antibes 1975, avec une chanson intitulée "Qui a dit: on ne meurt plus d’amour?" (paroles et musique Philippe Soril). Avec l’enregistrement de deux ultimes disques chez Vogue et M Records, le Lausannois entama alors une carrière dans l’ombre, plus particulièrement à Paris, au service de Jacki Clérico, de 1976 à 1999. Il était en charge des relations extérieures et internationales du Moulin Rouge. C’est lui qui a fait venir dans ce lieu mythique Ginger Roger, la Toya Jackson, Gene Kelly entre bien d’autres. Par la suite il a travaillé pour le service animations d’Eurodisney. Dans les années 80 il s’est aussi occupé des relations publiques de Stéphanie de Monaco pour assurer la promotion de "Ouragan". Jean Miguel est décédé d’une crise cardiaque à Disneyworld (Floride) en 2002.